Les métastases sont la principale cause de décès chez les patients cancéreux. En effet, un niveau de cellules tumorales circulantes est fortement lié à la colonisation de divers organes par le cancer et, par conséquent, à un pronostic vital très mauvais. Cependant, on sait peu de choses sur les mécanismes qui déterminent spécifiquement la circulation de ces cellules tumorales dans le système de circulation sanguine.
Des chercheurs taïwanais viennent peut-être de résoudre une partie du mystère. Les variations dans l’expression d’un gène déjà connu, appelé DGS2, joueraient un rôle important dans ce processus. Ils ont publié leur recherche dans la revue Proceedings National Academy of Science.
Le gène DGS2 est indispensable à la formation des cellules cancéreuses circulantes
Les chercheurs ont d’abord analysé des lignées cellulaires métastatiques et ont découvert qu’elles avaient le niveau de DGS2 le plus élevé par rapport aux cellules tumorales conventionnelles. Cependant, la corrélation n’est pas la causalité.
Par conséquent, les scientifiques, à l’aide d’un vecteur viral, ont désactivé l’expression de ce gène et ont observé ce qu’il se passait au niveau de la taille de la tumeur, le nombre de cellules tumorales circulantes et des nodules pulmonaires chez des souris immunodéprimées auxquelles on avait préalablement injecté des cellules tumorales DGS2+ ou DGS2-.
Ils montrent ensuite que les souris témoins (c’est-à-dire dont la voie DGS2 est toujours active) présentent plus de métastases dans les poumons. De même, ils ont observé une présence cinq fois plus importante de clusters de cellules tumorales circulantes dans ce même groupe que dans le groupe dans lequel la voie DGS2 était inactivée.
Cependant, si l’on regarde le nombre total de cellules tumorales en circulation, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes.
Le gène DGS2 favorise la colonisation et la croissance tumorale
Une expérience a ensuite été menée pour étudier le rôle de l’expression de DGS2 dans la colonisation et la croissance des tumeurs. Ici, les expérimentateurs ont injecté des lignées de cellules tumorales avec une expression endogène élevée de DGS2, ou des lignées de cellules tumorales avec une faible expression endogène de DGS2, faisant varier le niveau d’expression de DGS2 dans les deux.
Dans les cellules à forte expression de DGS2, un contrôle de son expression fournit des résultats en accord avec l’expérience précédente. Parallèlement, chez les cellules à faible expression de DGS2, la sur-expression de ce gène entraîne une colonisation significativement plus élevée des poumons. Les scientifiques ont aussi observé que l’expression de DGS2 augmentait la taille de la tumeur du site primaire, en l’occurrence, ici, du sein.
L’inhibition du gène DGS2 augmente l’invasion cellulaire
Contrairement à son action tumorale au niveau de la formation, de la colonisation et de la croissance des tumeurs, concernant la dissémination de ces dernières, c’est la suppression de son expression qui entraîne une diminution de la capacité de migration des cellules cancéreuses tandis que sa surexpression inhibe cette dernière.
Les résultats sont similaires pour l’invasion cellulaire sur d’autres sites. Ceci s’explique par l’expression d’autres gènes, les gènes de transition épithélio-mésenchymateuse, corrélés à la déplétion de DGS2, qui induit une perte d’adhérence au niveau des jonctions cellulaires. Les cellules se détachent plus facilement, tandis qu’une des fonctions du DGS2 est précisément de permettre l’adhésion des cellules épithéliales.
L’hypoxie régule l’expression du gène DGS2
Comme nous venons de le voir, le rôle de la DGS2 dans les métastases du cancer du sein est dynamique. Pour favoriser l’invasion cellulaire, son expression doit diminuer. Les chercheurs ont observé une corrélation négative entre la présence de DGS2 et celle d’un marqueur de stress hypoxique CA9. Cela suggère que l’hypoxie, déjà connue pour son caractère métastatique, peut être impliquée dans l’inhibition initiale du DGS2.
Grâce à des expériences sur des cultures de cellules cancéreuses, les scientifiques ont noté que la présence de HIF1α (facteur de transcription) inhibe DGS2, mais que l’épuisement de ce même facteur, couplé à un traitement avec un agent chimique mimant l’hypoxie, n’entraînait pas cette inhibition.
Par conséquent, ce n’est pas l’hypoxie elle-même qui cause la dégradation de DGS2, mais HIF1α. Grâce à des analyses de laboratoire plus approfondies, les chercheurs ont découvert que HIF1α se lie au promoteur de DGS2.
Futur marqueur et voie thérapeutique ?
Les chercheurs concluent leur étude en suggérant que leurs données cliniques et leurs expériences sur des modèles animaux ont clairement démontré que le DSG2 peut être utilisé comme marqueur pronostique du cancer du sein et pourrait être utilisé comme marqueur spécifique pour la détection et l’isolement de clusters tumoraux.
Enfin, ils soutiennent que les mécanismes moléculaires sous-jacents de la tumorogenèse médiée par DSG2 et la possibilité d’utiliser le DSG2 comme cible thérapeutique contre le cancer sont des domaines prometteurs pour les travaux futurs visant à inhiber les métastases. Cependant, ces résultats de recherche fondamentale ont encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir se traduire par de réels progrès cliniques.
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