La plupart des vaccins doivent être congelés ou réfrigérés, ce qui limite considérablement le stockage et le transport. Les vaccins sous forme lyophilisée peuvent être conservés plusieurs mois à température ambiante. Cependant, les ingrédients d’un vaccin sont particulièrement fragiles.
La campagne de vaccination contre le Covid-19 est un véritable défi en raison des conditions drastiques de stockage des vaccins. Celui de Pfizer doit être conservé à -70 ° C et celui de Moderna à -20 ° C. Même les vaccins “classiques” comme celui d’AstraZeneca doivent être réfrigérés (entre 2 ° C et 8 ° C).
C’est un obstacle à la vaccination dans plusieurs pays chauds qui ne disposent pas des infrastructures nécessaires. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié des vaccins dans le monde sont gaspillés chaque année en raison de mauvaises conditions de stockage et de transport.
Spoutnik V sous forme de poudre ?
C’est pourquoi les chercheurs travaillent depuis plusieurs années sur la possibilité de lyophiliser les vaccins, ce qui permettrait de les conserver plusieurs mois à température ambiante. La lyophilisation, qui consiste à congeler puis à déshydrater un produit, permet d’obtenir une forme beaucoup plus stable qu’en solution aqueuse.
En novembre dernier, la Russie a annoncé que son vaccin Spoutnik V serait bientôt disponible sous forme de poudre à réhydrater, et des commandes d’équipement de lyophilisation ont même été passées. Si cette technique était développée, elle donnerait à ce vaccin un grand avantage, en particulier pour l’exportation vers les pays en développement.
Mais la technique est en fait très difficile à maîtriser. La congélation et la déshydratation endommagent les composants du vaccin, par exemple, la membrane lipidique, les protéines ou les acides nucléiques. Des cristaux de glace peuvent également se former, ce qui augmente le risque d’agrégation des protéines. Les vaccins à ARN qui nécessitent des nanoparticules lipidiques sont donc particulièrement sensibles à la lyophilisation.
Un peu de sucre dans le vaccin
Cependant, il existe des excipients qui permettent d’éviter ces inconvénients. Les saccharides et les alcools de sucre sont généralement utilisés, car ils permettent de stabiliser les protéines et d’éviter qu’elles ne s’agrègent ou ne soient dénaturées durant la phase de congélation. Lors de l’étape de déshydratation, ces sucres remplacent les liaisons hydrogène entre l’eau et les protéines ou les phospholipides.
En 2016, des chercheurs australiens ont réussi à développer un vaccin contre la grippe saisonnière sous forme lyophilisée utilisant du tréhalose (un sucre naturel) et de la glycine (un tensioactif). Une autre équipe a réussi, toujours avec du tréhalose, à produire un vaccin à ARN qui peut être conservé 10 mois à 4 ° C.
Six mois à température ambiante
Une nouvelle étude publiée dans Science Advances détaille une nouvelle approche qui consiste à se débarrasser de la membrane cellulaire, qui n’est pas résistante à la déshydratation, pour ne retenir que la «machinerie» cellulaire à l’intérieur. Une fois lyophilisé, le vaccin peut ainsi être conservé pendant au moins six mois à température ambiante. Il suffit de le réhydrater avec de l’eau au moment de l’administration.
«Notre système peut reconstituer une dose de vaccin en moins d’une heure pour un dollar», déclare Michael Jewett, co-auteur de l’étude et biochimiste à l’Université Northwestern.
Selon des tests effectués sur des souris, ce vaccin déshydraté “fonctionne parfois mieux” que les formes traditionnelles, confirme Michael Jewett sur le site Motherboard. Le concept n’a pour l’instant été testé qu’avec un vaccin dit conjugué, qui associe le sucre d’une bactérie à une certaine protéine (ces vaccins sont notamment destinés à lutter contre les infections bactériennes résistantes). Selon les auteurs, l’avantage est qu’il permet une fabrication décentralisée et à la demande.
Cependant, la fabrication de vaccins lyophilisés nécessiterait de revoir complètement la chaîne de production. Une technique d’avenir, pour sûr, mais peu probable dans le contexte de l’urgence épidémique que nous traversons.
Source :
© yalcinsonat, Adobe Stock